Commentaires sur la version préliminaire du Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) de la MRC de Matawinie

Commentaires sur la version préliminaire du Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) de la MRC de Matawinie

D’entrée de jeu, bravo pour cet exercice d’analyse et de synthèse impressionnant !

QUELQUES DEMANDES IMPÉRATIVES :

Nous avons examiné le Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) de la MRC de Matawinie en fonction de quelques bonnes pratiques en gestion de projets, selon les axes Temps/Contenu/Coûts :

TEMPS : L’échéancier du plan d’actions est à l’horizon 2032. Plusieurs mesures, fondatrices pour assurer notamment la protection, la restauration ou la création de milieux humides d’intérêt (thème 2), seront en place à compter de 2025. Selon la Loi sur l’eau (4e par. 2e alinéa de l’article 15.2), chaque PRMHH doit prévoir des mesures de suivi et d’évaluation. Dans le présent cas, un suivi des actions sera fait chaque année par le Comité PRMHH et les partenaires terrain, avec rapport à la MRC. L’évaluation générale du plan d’actions (coûts, indicateurs, etc.) et notamment de l’atteinte de l’objectif d’aucune perte nette à l’échelle de la MRC sera réalisée après les 10 années de mise en œuvre du PRMHH, avec rapport au MELCC et aux divers acteurs et citoyens.

Signalons qu’en matière de restauration et de création de milieux humides, les études tendent à démontrer que les mesures de compensation sont généralement peu efficaces d’un point de vue écologique. Ainsi, selon une méta-analyse de 124 articles scientifiques [1], le rétablissement des milieux humides perturbés après des activités de restauration est lent et incomplet, surtout si l’écosystème est non riverain ou situé dans une région au climat froid. Plusieurs autres études indiquent, par ailleurs, qu’en l’absence de suivi serré des activités de compensation (suivi qui devrait, idéalement, s’étendre sur plus de 10 ans), la majorité des projets ne respectent pas les ententes initiales inhérentes à la réalisation du projet, notamment en ce qui concerne les superficies à compenser et la durée des suivis [2] [3]. Aussi, tout projet de translocation ou de création de milieux humides devrait être réalisé à proximité des sites altérés ou perdus de façon à minimiser les différences hydrogéoclimatiques pouvant réduire le succès du projet à long terme [4].

Face à une situation prévisible où les pertes de milieux humides (pour causes anthropique et/ou climatique) pourraient être, à court terme, plus que probables et les gains de milieux humides, même à long terme (par restauration ou création), plus qu’hypothétiques, nous demandons :

  • qu’un règlement intérimaire soit adopté dès le dépôt de la version finale du PRMHH, en juin 2022, qui mette en force les mesures régionales et/ou municipales assurant, de façon privilégiée, la protection des milieux humides, et ce, particulièrement dans les Zones à Fort Potentiel de Développement (ZFPD) ;
  • que l’indicateur de succès du PRMHH soit l’atteinte de l’objectif d’aucune perte nette à l’échelle de chacune des Unités de Gestion d’Analyse (UGA) plutôt que sur une base régionale;
  • qu’une évaluation formelle de l’avancée du plan d’actions concernant la protection, la restauration et la création de milieux humides soit effectuée après 3 ans soit dès juin 2025 – puis à une fréquence à convenir par la suite –, ceci afin de valider, de façon anticipée, la viabilité même de l’approche « aucune perte nette de milieux humides ».

CONTENU : Les lacs de tête sont des lacs s’étendant dans la partie supérieure des bassins hydrographiques sur lesquels ils ont un impact par la qualité et la quantité de leur eau. Ne disposant d’aucun tributaire en amont, ils sont, de ce fait, presque exclusivement alimentés par des sources. Or le plan d’actions ne propose aucune mesure qui tienne compte de ces particularités. C’est pourquoi nous demandons :

  • que le Programme d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines(PACES – voir action 1.8) comporte dorénavant un volet spécifique sur les lacs de tête;
  • qu’un règlement intérimaire soit adopté, dès le dépôt de la version finale du PRMHH, en juin 2022, qui mette en force les mesures régionales et/ou municipales assurant l’identification et la protection des zones qui assurent la recharge, l’écoulement et l’émergence des eaux souterraines des lacs de tête, et ce, particulièrement dans les Zones à Fort Potentiel de Développement (ZFPD) ;
  • que la caractérisation du territoire, en amont de tout projet de développement, comporte une évaluation professionnelle et indépendante de la capacité de l’aquifère pour l’établissement du nombre maximum de puits /km2, qui assurerait la pérennité de la ressource en eau.

COÛTS : L’argent a toujours été le nerf de la guerre. Il s’agit d’un indicateur qui permet d’apprécier les efforts qui devront être déployés pour assurer la concrétisation des 55 actions du plan proposé. Or les seuls indices qui sont communiqués sont des montants approximatifs sous formes de symboles ($; $$; $$$) associés à trois intervalles de coûts, comportant chacun une part significative d’incertitude ($ = 0 à 10 000$ ; $$ = 10 001 à 100 000$ ; $$$ = 100 001$ et +).

Dans les circonstances, afin d’être rassurés quant à l’atteinte des objectifs de conservation que s’est donnée la MRC, nous demandons :

  • que l’ampleur des engagements financiers, la disponibilité des fonds de même que les mécanismes assurant l’imputabilité réelle des principaux partenaires associés à la mise en œuvre des actions pertinentes soient précisés, pour les 3 prochaines années, puis à une fréquence à convenir par la suite.

 

Par le Comité Environnement de l’Association de protection du lac Mondor (APLM)

Le 22 avril 2022

[1]  Moreno-Mateos, D., M.E. Power, F.A. Comin et R. Yockteng, 2012. Structural and functional loss in restored wetland ecosystems. PLOS Biology, 10 : e1001247.

[2] Tischew, S., A. Baasch, M.K. Conrad et A. Kirmer, 2010. Evaluating restoration success of frequently implemented compensation measures : Results and demands for control procedures. Restoration Ecology, 18 : 467-480.

[3] Sudol, M.F. et R.F. Amb rose, 2002. The US Clear Water Act and habitat replacement : Evaluation of mitigation sites in Orange County, California, USA. Environmental Management, 30 : 727-734.

[4] Pellerin, S. et all., 2015. La tourbière relocalisée de l’île Notre-Dame : un exemple de

mesure de compensation en avance sur son époque, Le Naturaliste canadien, Volume 139, numéro 2

© Lac Mondor - Tous droits réservés