Quelle est la valeur de la nature ?

Une communauté rurale comme la nôtre tire beaucoup d’avantages de la nature.

Déjà, des paysages remarquables participent à la spécificité et à la reconnaissance d’un territoire. Les grands massifs boisés, le piémont et les lacs exercent un grand attrait, accroissent la qualité du cadre de vie et la notoriété du lieu. La proximité d’une nature en santé se répercute sur la valeur des propriétés et l’assiette foncière des municipalités.

Mais les biens et les services que nous devons à la nature dans notre communauté sont bien plus nombreux. Ils comprennent par exemple des services d’approvisionnement, notamment en bois ou en produits de pêche, de chasse et de cueillette, et des bénéfices socioéconomiques, comme la contribution à la santé et au bien-être ou à l’offre de services de récréation, de tourisme et de loisirs. Toutefois, ce sont les services de régulation qui sont les plus précieux, bien que les moins connus. Qu’on pense par exemple à l’atténuation des risques d’inondation, à la filtration de l’air et de l’eau, à la recharge des nappes phréatiques, au contrôle de l’érosion, au renouvellement des sols, au maintien des espèces fauniques et floristiques, etc.

Tous ces services sont avantageux pour les municipalités et il est possible de leur attribuer une valeur économique en calculant ce qu’il en coûterait pour accomplir artificiellement les mêmes fonctions. Les municipalités comme la nôtre ont donc tout intérêt à protéger les milieux naturels et à repenser l’aménagement de leur territoire pour concilier le développement et la protection de l’environnement.

La nature que nous léguerons à nos enfants n’aura pas de prix.

L’exemple d’Austin

Austin est une municipalité de l’Estrie d’environ 4 000 personnes, réparties à peu près également entre résidents permanents et saisonniers. Au cœur d’une région récréotouristique convoitée, elle a vu la villégiature et les résidences secondaires s’y développer au fil des ans, au gré des projets privés. Avec les années 2000, comme chez nous, cette tendance s’est fortement accentuée et le couvert forestier y est passé en quelques années de 82 % à 66 %.

« Après quatre décennies d’application d’un modèle d’aménagement du territoire que l’on sait aujourd’hui incompatible avec le développement durable, compte tenu de ses conséquences indéniablement néfastes pour les écosystèmes terrestres, aquatiques et fauniques (eutrophisation accélérée des plans d’eau, remblayage, creusage et drainage des milieux humides, érosion des sols, multiplication des chemins, etc.), une révision de la façon d’aménager et d’occuper le territoire de la municipalité d’Austin était manifestement devenue nécessaire » écrivent la mairesse Lisette Maillé et le directeur technique Stephen Nicholson[i].

Reconnaissant la grande valeur du milieu pour le caractère même de la municipalité, pour son attrait et pour la qualité de vie de ses résidents, le conseil municipal a mis sur pied des mécanismes de concertation avec les citoyens et les organismes communautaires et de protection de l’environnement. Après des études variées confiées à des spécialistes indépendants, un portrait de l’état des écosystèmes terrestres et aquatiques a été dressé et des priorités ont été dégagées : stopper la fragmentation et la destruction des habitats, principales causes de l’érosion de la biodiversité, et protéger ou rétablir la connectivité entre les grands massifs forestiers.


Source : Sépaq

Sensibilisée à la grande fragilité du corridor naturel existant entre les monts Orford et Chagnon sur son territoire et à l’importance de ce corridor pour la grande faune et les autres espèces, la municipalité a fait délimiter et caractériser précisément ce corridor avec ses milieux humides et l’a intégré à son plan de zonage pour préserver cette voie de passage et constituer en pratique un véritable réseau de conservation.

Une série de normes a été définie afin de restaurer la connectivité dans le secteur et contribuer à la maintenir à l’échelle régionale. Ces normes poursuivent trois objectifs : l’élimination des obstacles au passage de la faune, l’élargissement des bandes riveraines et la préservation du couvert forestier dans tout le corridor.

Dans une récente conférence sur le sujet, la mairesse a reconnu que ces mesures modulent les droits des propriétaires dans le corridor. Cependant, leur adoption n’a pas rencontré de difficultés car la sauvegarde de l’héritage naturel d’Austin était une préoccupation des citoyens et les études ont démontré que l’effort de conservation apportait une grande valeur au milieu.

La révision du plan d’urbanisme d’Austin et l’adoption de mesures d’aménagement durable ont valu à la municipalité le Prix des collectivités durables 2016 de la Fédération canadienne des municipalités et l’attachement tout aussi durable de ses citoyens, dont elle fait la fierté.

 

[i] Maillé, L. & Nicholson, S. (2019). L’aménagement du territoire et des corridors fauniques : une approche municipale. Le Naturaliste canadien, 143(1), 113–117. https://doi.org/10.7202/1054126ar

 

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